Where did my childhood go?
A poetic sequence in French and English.
I
Mon frère et moi
Dix ans après
Sur ces mêmes lits
Toujours
Dans cette même vieille maison de pierres
My brother and I
Ten years after
On those same beds
Always
In the same old stone house
II
Je refais les mêmes gestes
Les mêmes rituels
De mon enfance
I am doing the same gesture all over again
The same rituals
Of my childhood
III
Je me demande
Où sont passés
Les groseilles
Et les financiers
Que je mangeais il y a huit ans
I am wondering
Where are gone
Redcurrants
And financiers
That I was eating eight years ago
IV
Dans les yeux de cette vieille femme de quatre-vingt dix ans
J’ai vu une cassure
Le souvenir de mon grand père a éraillé sa voix
Et ses mots
« Nous ne nous reverrons plus »
Ont réveillé la douleur sous ses paupières
In the eyes of this ninety years old woman
I saw a fracture
The memory of my grandfather made her voice hoarse
And his words
« We won’t see each other again »
Have awakened the sorrow under her eyelids
V
Tout ce qu’il n’y a plus
Ravive les miettes sensorielles de la mémoire
All that is gone
Rekindles memory’s sensory crumbs
VI
L’appareil photo
Rouge
De mes huit ans
La DS
Rose
Sur laquelle je collectionnais les animaux Nintendogs
Où nous prenions des photos
Mon frère et moi
Avec d’écœurants filtres 2D
Des cœurs partout autour des têtes
Des fleurs qui scintillent aux quatre coins du cadre
Tous ces objets
Tous ces souvenirs
Se perdent
Rendent l’âme
Où est passée mon enfance ?
Si je ne me souviens plus
S’il n’y a plus de traces
Red
Was the camera
Of eight years old me
Pink
Was the DS
On which I was collecting Nintendogs’ animals
Where we were taking pictures
My brother and I
With sickly-sweet 3D filters
Sparkling flowers all over the frame
All these objects
All these memories
Fade away
Give up the ghost
Where did my childhood go ?
If I can’t remember
If there are no more traces
VII
Adieu l’enfance, disait Renaud
Elle n’existera plus
Langlade est révolu, ils vont mourir là-bas
J’ai vu dans les yeux de cet homme de cent ans
Qu’il savait
Il savait que nous ne nous reverrons pas
Claude leur avait dit « nous ne nous reverrons pas »
Claude est mort l’hiver d’après.
La dernière fois que j’ai vu Claude, j’ai fermé les yeux
Ce n’était pas Claude
Ce n’était pas mon grand-père
Face à moi était assise une carcasse de poussière
J’ai su que si je l’avais effleuré
Il aurait disparu
Sous un nuage gris, sans goût, sans épaisseur
Un nuage vide
Un nuage malade
Ô Claude, comme tu étais malade
Les médecins t’avaient prédit une dizaine d’années à vivre
Tu en auras vécu trois
Je me souviens, Claude, de tous ces soirs
À espionner les conversations téléphoniques de mes parents
À essayer de déchiffrer, à dix ans, ce que voulait dire
« une hospitalisation d’urgence »
Il me manquera toujours tes blagues
Ta voix citronnée que j’appelais Papy Claudius
Ton rire, tes cheveux bouclés, tes colères
Nous ne nous sommes pas revus
Nous ne nous reverrons plus
“Adieu l’enfance”, said Renaud
It will cease to exist
Langlade is bygone, they will die over there
I saw in this hundred-year-old man’s eyes
That he knew
He knew we would never see each other again
Claude told them “We will never see each other again”
Claude died the following winter.
Last time I saw Claude, I closed my eyes
Was it Claude ?
It was not my grandfather
Only was sitting a carcass of dust
I knew then that if I brushed
He would disappeared
Under a grey cloud, flavourless, densless
An empty cloud
An ill cloud
Ô Claude, how ill you were
Oncologists thought that you would have ten years to live
You only lived three
Claude, I remember all those nights
Spying on my parents’ phone calls
Trying to figure out, at ten, what meant
“An emergency hospitalisation”
Forever I will miss your jokes
Your lemony tone voice that I called Papy Claudius
Your laugh, wraths, curly hair
We never saw each other again
We won't see each other again.
VIII
Enfant, je tombais
À vélo
Dans la cour de récré
En dansant
En jouant
Je me coupais des mèches de cheveux en classe
Et je criais si quelqu’un d’autre osait m’en couper une
Une fois je faisais des perles à repasser
La méchante dame les a jeté par terre
Je ne l’ai jamais aimé
À six ans, mon amoureux secret m’a offert Une fleur faites d’épluchures de crayons
-étions nous amoureux ?-
C’est peut-être l’un des plus doux cadeaux
L’école est une guerre de crayons
La guerre des boutons me terrorisait
Je me cachais derrière les tables étriquées sous le poids de tous ces verres de lait
Je déteste le lait
As a child, I fell
From my bike
In the school’s playground
Dancing
Playing
In class, I used to cut strands of my hair
Though I would scream if someone else dared to do it
Once I was doing perler beads
The mean lady threw them on the floor
I never liked her
At six, my secret boyfriend offered me
A flower made of pencils’ peeling
-was it love ?-
It’s perhaps one of the sweetest gift
School is a pencil war
War of the Buttons was scaring me
I would hide behind school tables tapered under the weight of all of those milk’s glasses
I hate milk.
IX
Je ne pleure plus dans le train
Le paysage défile devant mes yeux
La forêt
Les arbres
Le vert partout, tout le temps
Le vert du tracteur
Les roues grandes comme des montagnes
Je me souviens des balades
Sur les sentiers
Au travers des vignes du sud
Matteo sur une roue
Papa qui me tenait, assis ensemble sur l’autre roue
Ce vieil homme qui conduisait
Les branches s’agrippant dans nos cheveux
Le soleil qui brûle nos yeux
Qui brûle nos peaux
Les lézards sans queue
(Il a arraché la queue du lézard)
Le paysage défile
J’ai de nouveau six ans
I don’t cry on the train anymore
The scenery goes by in front of my eyes
The woods
Trees
Green everywhere, all the time
The green of the tractor
Wheels as big as mountains
I remember of walks
On the path
Through the southern vineyards
Matteo on a wheel
Dad was holding me, sitting together on the other wheel
The old man was driving
Tree limbs clinging to our hair
The sun blinding us
Burning our skins
Tailless lizard
(He tore the lizard’s tail off)
The scenery goes by
I am six years old again.
X
L’enfance bruyante
L’enfance de fin d’été
Dans mon enfance, il pleut
Sur les étales des marchés
Dans la rivière où rampe les vipères d’eau
L’obscurité prend feu
Le Sud est un champ de paille verte
Secs les apéritifs sont sur la table blanche en plastique
Il manque des visages sur les chaises vides
Noisy childhood
End of summer childhood
In my childhood, it pours
On markets’ stalls
In the river where the watersnake crawls
Darkness catches fire
The south is a field of green straw
The dried aperitifs are on the white plastic table
Faces are missing on the empty chairs.
XI
Appareil photo rouge
L’enfance entassée dans une carte SD
Comprimée
L’enfance
Je cherche, en vain, où est stockée cette enfance
L’envie d’anéantir tous les ordinateurs sur lesquels ne figurent pas ces photos
Où est passée mon enfance ?
Je ne me souviens plus
De rien
Red camera
Childhood stockpiled in a SD card
Compressed
My childhood
I'm looking, in vain, where this childhood is stored
The yearning to annihilate every computers on which these photos do not appear
Where did my childhood go ?
I can’t remember
Anything.
XII
Aujourd’hui j’ai huit ans
J’essaie de trancher la table de ma cuisine à tous les repas
Avec mon couteau, je coupe, doucement
En cachette
Le bout de la table
Au bout de plusieurs jours, une encoche s’est dessinée à côté de mon assiette
Je rêvais de cette table coupée en deux
Que l’eau sorte de cette fissure
Qu’elle engloutisse tout
Et qu’on devienne des pirates habillés d’assiettes vertes.
Mais Papa et Maman n’avaient pas le même rêve.
Today I’m eight years old
I try to slice my kitchen’s table at every meal
With my knife, I cut, softly
In secrecy
The table’s edge
After a few days, a notch was drawn near my plate
I dreamt of this half cut table
Let the water come out of this crack
Let it swallow everything
May we become pirates dressed with green plates.
But Mom and Dad didn’t have the same dream.
Mila Prieur